Le front plissé, Barthélémy ne cessait de se passer la main dans les cheveux. Ce que je lui avais dit concernant le mensonge le tracassait : « Même un petit noeud est un noeud à moins que tu ne saches aussitôt le défaire… »
– « Comment défaire un mensonge, Rabbi ? Explique-moi. »
– « Oh, c’est simple… car c’est dans ton coeur que les choses
doivent se passer. Si tu les construits dans ta tête, alors c’est différent.
Maintenant écoute, Barthélémy…
Deux hommes se trouvaient un jour dans un champ de chardons lorsqu’ils en virent arriver un troisième qui courait. Celui-ci avait l’air effrayé. Ils le regardèrent passer puis s’enfuir.
En vint alors un quatrième qui courait, lui aussi, mais avec une pierre à la main.
– « Avez-vous vu passer un homme qui se sauvait ? » leur demanda-t-il, l’air furieux.
– « Non, personne », lui répondit l’un des deux hommes qui étaient dans le champ.
Et celui qui était furieux s’en alla courir dans une autre direction.
Celui des deux hommes qui n’avait rien dit fit alors cette remarque à son ami :
– « Tu as menti… N’as-tu donc pas honte ? C’est contraire aux Écritures ! »
– « N’est-il pas aussi écrit : "Tu ne jugeras point" ? lui répondit l’autre. Que fais-tu toi ? Et que savais-tu de la volonté de châtier de l’un et de la nécessité de s’enfuir de l’autre ? Et moi, en vérité, je n’ai pas menti car ma tête était dans mon coeur et mon coeur dans le don de la Protection. Il était vérité avec lui-même dans l’instant. »
Ainsi en est-il… L’âme ne se blesse pas quand elle se tient dans la spontanéité et la cohérence du coeur. Le mensonge, lui, se construit dans la tête et dans l’intention de la tête qui est alors tromperie.
Quant à la vie, elle est semblable à un chardon. Si on t’apprend qu’elle pique, tu t’y piqueras. Si on t’enseigne à reconnaître et à aimer la beauté simple de sa fleur, c’est celle-ci que tu verras. Parfois, il est mieux d’être aussi simple qu’un âne et d'accepter de manger un chardon. Que celui qui a de longues oreilles me comprenne… »